À lire et écouter un certain nombre de visiteurs, la période de Noël est le moment où Disneyland Paris révèle toute l’ampleur de sa magie. La dernière vidéo Youtube racontant comment la magie de Noël a investi le parc suit cette même idée. Une autre production publicitaire, cependant, semble ne pas promouvoir un mariage entre Noël et Disney mais au contraire une compétition ambiguë : l’affiche “Noël comme jamais”, que nous analyserons dans un second article.
La vidéo “Révélation : le secret de la magie de Noël à Disneyland Paris” (https://www.youtube.com/watch?v=cMidEEn6c2g) raconte au sens propre le mystère de l’atmosphère magique de Disneyland. Cette vidéo a une triple inspiration : le conte, la mythologie, le pèlerinage (certains y verront une ressemblance évidente avec la publicité célèbre d’une marque de céréales dont la mascotte est un cocker : “Et ça fait des …”!).
Le conte traditionnel
Concernant le conte, la vidéo réutilise avec une touche de parodie :
- le cadre spatio-temporel habituel (“il y a fort longtemps”, le passé simple) avec une touche d’humour (selfie du lutin avec la potion de la magie). Le lieu n’est pas plus précisé et reprend le code de la publicité du caneton de décembre 2018, avec une arrivée imprévue par voie aérienne, à travers les nuages.
- La structure du schéma narratif, mais sans obstacles, sans terreur ou source d’efforts pour le héros. Le seul élément de perturbation la mauvaise route prise par le lutin, qui finalement a permis à Disneyland Paris d’être doté de la magie de Noël.
- Un conteur-témoin qui fait autorité (le Père Noël lui-même) et qui est donc authentique au sens propre du terme (le mot “révélation” du titre parodie les journaux d’actualités).
La mythologie
Concernant la mythologie, la vidéo mobilise la question des origines et de la métaphysique expliquant le monde. La vidéo, de manière divertissante et à des fins publicitaires, condense les codes des grands récits cosmogoniques (Les Métamorphoses d’Ovide, entre autres) qui proposent des histoires expliquant l’apparence de notre monde et donnant un sens à notre quotidien. Le choix du mot “berceau” est à ce titre éloquent. Pour approfondir ce sujet, lisez (et regardez !) absolument Histoire des lieux de légendes de Umberto Eco.
Le pèlerinage
Le pèlerinage, qui est la troisième inspiration se ressent dans l’élection d’un lieu vierge où s’est déroulé dans le passé un miracle (déversement de la magie) appelé à se répéter à l’avenir, comme la grotte de Lourdes. La magie, le mystère, se matérialisent en un lieu ou un objet choisis (reliques chrétiennes, ou temples sacrés de l’Antiquité grecque). Rachid Amirou, dans ses écrits comparant le tourisme à la pratique ancienne du pèlerinage, en termes de forme et non de contenu, parle d’une quête d’une vérité perdue, d’un âge d’or, d’un idéal de société oublié qu’on aimerait retrouver (un peu comme l’Atlantide, le Paradis terrestre, etc.). La vidéo indiquerait qu’aller à Disneyland, c’est retrouver l’essence absolue de la magie de Noël, à l’état pur.
Substitution au quotidien
Pour conclure sur cette vidéo, Disneyland Paris accueille l’essence de Noël mieux que le réel. On pense alors à d’anciennes publicités de Disneyland qui proposaient de venir vivre la vraie vie, de révéler notre vraie personnalité. Les spots mettant en opposition la timidité du quotidien face à l’euphorie du séjour dans le parc ou la tension entre grands-parents et enfants révèlent que la magie des origines du bas âge est toujours “dans nos coeurs”, pour parodier Cendrillon.
Disneyland Paris offre donc la vérité, tandis que le quotidien est une illusion, un “faux” Noël : la magie n’a pas été envoyée ailleurs. Les parcs sont ainsi montrés plus réels que la réalité, ce que disait déjà Jean Baudrillard dans Simulacres et Simulations sur l’expérience rassurante des parcs Disney aux Etats-Unis, qui assument d’être faux et sont donc vrais !
Pas un produit mais une raison d’être
Disney est pionnier dans la tendance des entreprises de ne plus fabriquer des produits (dans leur communication) mais d’avoir une raison d’être. C’est une tendance qui permet à des entreprises de changer de produits sans changer, apparemment, d’identité, et de s’adapter ainsi aux besoins de la société. Si Ford ne construit plus des voitures mais des trains, la marque sera toujours dans la raison d’être “mobilité”; si Disney ne fabrique plus de films mais ne fait que des parcs, il restera dans la raison d’être “magie”.
Deuxièmement, choisir une raison d’être permet d’en recouvrir l’ensemble des champs socio-culturels des clients et d’habiller la totalité de leur quotidien. La magie en est encore un exemple, d’autant plus à Noël car s’y raccrochent les wagons de son propre imaginaire.