Disneyland Resort et Walt Disney World démarquent leur saison de fin d’année (« Holiday season ») par des accents multiculturels : des évènements latino-américains en Californie, découverte des fêtes du monde en Floride. Dans les parcs Disney asiatiques, Noël existe aussi à travers ses signes commerciaux et mondialisés, sur des périodes généralement plus courtes. A Disneyland Paris, les fêtes de fin d’année se représentent comme autant d’opportunités de retrouvailles sociales.
Qualifier le parc à thème d’espace opportun au temps social paraît banal. A écouter et lire les visiteurs, la démarche de réserver une période de temps à ses proches dans un environnement clos fait partie des facteurs de plaisir les plus déterminants d’une visite de parc à thème.
Un Noël sous le signe de l’affection sociale
En France, on sait particulièrement que les trains, bus et avions sont pris d’assaut dans un élan de rassemblement des proches autour d’une même table. La page internet du Noël enchanté de Disneyland Paris épuise les évocations aux cadeaux à offrir, aux repas à partager et aux activités à mener ensemble et « en chœur ».
On retrouve cette veine rituelle dans la campagne d’affichage massive de son Noël enchanté 2023. Chaque affiche repose sur le même procédé. Du côté de l’image, un enfant ou un groupe enlace un personnage du répertoire de l’animation Disney. Du côté du texte, ce même personnage est associé à une caractéristique psychologique qui rappelle l’univers dont il est le héros : Donald est « le plus ronchon des tontons », Elastigirl est « la plus indestructible des mamans », Carl est « le plus perché des pépés ». La démonstration d’affection se conjugue à des traits psychologiques exclus des conventions positives. Surgit donc un paradoxe en faveur de la tolérance des zones d’ombre des individus converties en facteurs d’attachement par une ambiance festive et contemplative.
Disneyland Paris comme vecteur de performance affective
L’expérience du parc à thème est montrée comme une performance sur les comportements et les attitudes à plusieurs égards. Premièrement, l’univers immersif du parc transforme le regard entre les membres d’un groupe social (amis, famille). Disneyland Paris reprend ainsi les codes culturels et cinématographiques qui associent Noël à une trêve des conflits familiaux. Il en ressort une impression de sobriété : le parc se hisse en vecteur d’émotions favorables et, de façon inhabituelle, se met en retrait visuellement pour accentuer la force de son effet plutôt que la démonstration de ses décors et lumières. Toutefois, Disney ne s’efface pas en tant qu’opérateur culturel.
Un schéma familial pas si magique ?
C’est le deuxième point : la culture Disney est productrice de modèles sociaux auxquels on s’identifie. En effet, les affiches mettent le parc à l’écart mais c’est au profit d’une esquisse du schéma narratif des productions Disney. Les films d’animation abordent traditionnellement la question de la séparation familiale, de Bambi à Coco en passant par La petite sirène, et, plus récemment, celle de la stigmatisation sociale, de La Princesse et la Grenouille à Encanto en passant par Zootopia. L’interprétation des affiches est alors à double tranchant : les enfants projettent-ils leur imaginaire Disney dans leur famille parce qu’ils le prennent comme référence ou, de façon plus dramatique, procèdent-ils à une substitution des personnages à leurs proches ? Le parc s’affirme dans cette dernière hypothèse comme “objet transitionnel”, selon l’expression du psychanalyste Donald Winnicott, permettant à l’enfant de passer de la dépendance à l’adoption d’un univers de codes qu’il s’approprie.
En conclusion, pour le centième anniversaire des studios marqué par un long-métrage d’animation Wish à valeur d’hommage, on n’ attendait pas moins qu’un Noël à l’image des représentations familiales tortueuses auxquelles Disney nous a habitués.