Entre inscription géographique et franchissement magique : 1992-1993 Durant cette période, le thème principal est l’arrivée à Disneyland Paris, l’émotion qu’on ressent au moment où on en franchit les portes. Cette idée se décline en deux outils : la localisation par rapport à Paris et le passage progressif à un monde féerique ou alors la télétransportation brutale. Nous verrons que c’est cette deuxième hypothèse qui va servir de base pour les publicités ultérieures car elle rompt avec l’espace. Le second thème est la présentation de la diversité de l’offre afin de faire connaître une destination encore inconnue et totalement novatrice en France. Les publicités respectent la typologie de Robert Lanquar selon laquelle il existe dans un parc à thème différentes zones d’animation ou d’intérêt qui permettent successivement d’informer, de justifier le rapport qualité/prix en présentant l’offre, d’éblouir, de défouler, de détendre et de restaurer. Dans la publicité de pré-ouverture diffusée dès février 1992 (vidéo disponible sur le site de l’INA ici) à la télévision, l’objectif principal semble de montrer la diversité de l’offre de façon concrète à travers des images. Cette publicité donne une idée du lieu par des panoramas et des vues en plongée sans toutefois en montrer clairement les limites. On distingue cependant clairement le boulevard de l’Europe, immense cercle à l’intérieur duquel est construit le complexe. Le mystère sur la localisation exacte reste entier, ce qui crée un effet d’utopie et de hors temps. La seule donnée géographique est auditive : « Disneyland arrive en France… ». Ce qui est important de retenir est qu’Eurodisney s’affiche alors comme une réplique de ses prédécesseurs américains. Par ailleurs, le parc étant encore en construction lors de la diffusion, les images utilisées dans le film sont des prises de vue du Magic Kingdom de Walt Disney World en Floride, reconnaissable au château de Cendrillon blanc. L’absence de Paris dans ce film et dans le nom de la destination exprime peut-être une volonté d’affirmer Eurodisney comme un duplicata des parcs à succès aux Etats-Unis, montrés comme des valeurs sûres, alors qu’une destination a au contraire besoin de se localiser près d’un centre reconnaissable. Le scénario, organisé en deux temps, le survol du territoire par Mickey, Donald et Dingo en nuages, et l’entrée dans le parc Disneyland par la porte du château, met l’accent sur la découverte de l’imaginaire dont les icônes de Disney auraient le monopole (« Venez découvrir le royaume de l’imaginaire… »). Les portes du château, qui ne constituent pas en réalité l’entrée du parc, servent ici de sas ouvert sur un autre monde. Le thème de la porte est central, il fait passer de la tranquillité du voyage et du rêve aux fortes émotions de l’aventure : la musique du dessin animé “Pinocchio”, “When you wish upon a star”, laisse place à une musique rythmée et thématisée selon les attractions présentées. Dès mai 1992, un mois après l’ouverture, Eurodisney donne la parole à ses visiteurs pour asseoir la légitimité d’un concept américain en Europe. La publicité commence par : « Eurodisney, c’est ouvert et tout le monde en parle ». Il s’agit d’une collection de témoignages de familles, d’adultes, d’amis ou d’enfants, même des personnes un peu âgées : « Eurodisney c’est magique », « C’est super beau », « C’est génial », « C’est vraiment chouette ». Ce qui change également dans cette publicité est la présence d’images du véritable lieu parisien, afin de le montrer en activité, au lieu d’images de Walt Disney World. Les témoignages apportent des avis légitimes sur ce nouveau lieu hors du commun et permettent d’effacer les craintes à l’égard d’un concept américain. Au printemps 1993, une publicité (vidéo disponible sur le site de l’INA ici) met en valeur le voyage et la découverte à travers un récit caractérisé par le suspense et l’arrivée progressive à Disneyland Paris. Commence alors une époque charnière dans le traitement de la frontière, avec ce que nous décidons d’appeler le franchissement magique. Cette publicité met en scène une famille arrivant à Eurodisney par le biais d’un dessin tracé dans le sol par un peintre ambulant dans la rue. L’idée d’accessibilité est primordiale : « Eh bien, sautez! », s’exclame le peintre. Le slogan d’Eurodisney est alors : « le pays des merveilles qui vous emmène ailleurs ». L’occurrence de l’adverbe « ailleurs » est intéressant pour son imprécision proche du vocabulaire de l’utopie et la référence implicite à un « ici » qu’on tend à fuir : « Eurodisney ! On peut y aller? », s’écrient les enfants. A l’été 1993, la publicité que l’on pouvait rencontrer disait : « A 30km de Paris au coeur de l’Europe, bienvenue à Disneyland, l’univers de la féérie et de l’aventure […]. Détente, loisirs, émotions : un jour votre rêve deviendra réalité au parc Disneyland Paris, le royaume où tous les souhaits se réalisent ». Même si cette séquence reste très informative par la succession d’images qui permettent de visualiser l’offre en activité et se rapproche des films d’inauguration par l’utilisation d’images du parc floridien, la publicité est intéressante en ce qu’elle officialise le nouveau nom d’Eurodisney, « Disneyland Paris », en ajoutant un plan visuel de la tour Eiffel au début du film et une mention sonore qui donne une précision géographique : « à 30 km de Paris ». Le nom « Disneyland Paris » insiste à la fois sur la qualité et la proximité de la destination à travers l’épithète « Paris ». Ce préfixe a le double avantage de localiser le lieu précisément dans un pays d’Europe, contrairement au préfixe « Euro » qui ne permettait pas aux visiteurs de savoir où il fallait se rendre pour aller à Eurodisney. Le nom « Eurodisney », qui avait la qualité utopique d’affirmer l’identité européenne de l’entreprise souffrait en contrepartie de sa teneur conceptuelle.
Blogueur et Fondateur de Daily Disneyland.
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